Classifications des météorites

Chaque année, près de 40 000 tonnes de matière en provenance du Système Solaire atteignent la surface de la Terre. Si la grande majorité de ces roches (99%) se trouve sous la forme de poussières ne pouvant être facilement distinguées des poussières terrestres, le nombre de météorites répertoriées ne cesse d’augmenter (plus de 40 000 échantillons officiellement reconnus par la Meteoritical Society à ce jour). A chaque nouvelle météorite reconnue est attribué un nom officiel correspondant au lieu où elle est tombée, ou bien, où elle a été trouvée. Eventuellement, le nom est suivi d’un nombre qui permet de différencier plusieurs météorites trouvées dans un même lieu.

De nombreuses informations sur la formation et l’évolution du Système Solaire sont contenues dans les météorites. Associée aux études géochimiques (étude minéralogique et chimique des roches terrestres) et astrophysiques, l’étude des météorites et autres échantillons extraterrestres –la cosmochimie- a fortement fait progresser nos connaissances sur la formation des planètes et petits corps (astéroïdes, comètes ou petites planètes), la chronologie du Système Solaire, la mécanique céleste, les processus de nucléosynthèse stellaire, etc.

Classifications des météorites

Les météorites se distinguent en groupes (>5 objets) de compositions similaires et en classes reliant plusieurs groupes de certaines propriétés chimiques communes. On parle également de grouplet lorsque seulement 2-3 objets sont associés et de météorite non-groupée lorsqu’une météorite ne peut être rattachée à aucun groupe ou grouplet. On associe généralement à chaque groupe ou grouplet un (ou plusieurs) corps parent (astéroïde, comète ou planète) ayant existé ou existant dans le Système Solaire. Les propriétés chimiques des météorites dépendent alors fortement des conditions physico-chimiques de formation –nature, proportions des phases accrétées, contraintes subies durant l’accrétion– et d’évolution de ces corps parents.

1. Deux grandes familles de météorites: les météorites différenciées et les météorites non-différenciées ou chondrites

Les météorites différenciées

Les météorites différenciées proviennent d’un corps parent (planète ou gros astéroïde) qui a fondu et s’est différencié généralement en un noyau métallique, un manteau silicaté et une croute.

Differenciation-planetaire

Accrétion et différenciation planétaire: (1) des grains et de la poussière s’agglomèrent sous l’effet de la gravité, (2) le corps en formation commence à chauffer et à fondre partiellement, (3) les composés les plus denses (Fe-Ni métal) migrent vers le centre (noyau), les plus légers vers la surface. Au final, le corps n’est plus homogène mais s’est différencié en un noyau métallique, un manteau silicaté et une croûte silicatée moins dense. Figures: Smithsonian National Museum of Natural History.

Lors d’un impact détruisant tout ou partie de ce corps parent la nature des objets éjectés (et pouvant se retrouver sur Terre sous forme de météorites après un voyage plus ou moins long) dépendra de la partie du corps dont ils proviennent. Les météorites de fer (constituées à plus de 90 % de métal Fe-Ni) proviennent probablement des noyaux de corps parents différenciés tandis que les pallasites, constituées d’olivines englobées dans du métal, sont de possibles reliques d’interface entre noyau métallique et manteau silicaté. Finalement, les roches les plus semblables aux roches de la surface terrestre proviennent de la croute de leur corps parent: ce sont par exemples, les Diogénites, Eucrites et Howardites (HED), les météorites martiennes ou lunaires.

Exemples de météorites différenciées: (1) Toluca, météorite de fer, trouvée en 1776 au Mexique, (2) Springwater, pallasite, trouvée en 1931 au Canada, (3) Bouvante, eucrite, trouvée en 1978 en France. Photos MNHN, Paris (site de l’exposition de météorite, 1996-1997).

Les chondrites

Les chondrites représentent plus de 70 % des météorites connues. Elles proviennent de petits corps du Système Solaire n’ayant pas subi de différenciation. Ces météorites correspondent à des agrégats de composants pouvant s’être formés dans des conditions, des environnements et à des moments très différents. Les composants les plus abondants de la plupart des chondrites sont des billes sub-millimétriques constitués principalement de silicates et appelés « chondres« . Ces chondres sont associés à des grains métalliques ou sulfurés et liés entre-eux par une matrice à grains fins riche en composés volatils (matière organique, minéraux hydratés etc.).

Differenciation-planetaire_2

Accrétion sans différenciation: sur les corps plus petits (petits astéroïdes, comètes), la chaleur interne est plus facilement dissipée. Comme il n’y a pas ou peu de fusion, les composants de natures diverses restent en place. Figures: Smithsonian National Museum of Natural History.

La composition chimique des chondrites pour tous les éléments sauf les éléments les plus volatils (H, He, C, N) est très proche de la composition chimique de la photosphère solaire. Cette similarité de composition constitue la différence majeure entre les chondrites et toutes les autres roches du Système Solaire (roches terrestres, lunaires ou martiennes et météorites différenciées).

Les chondrites comptent également parmi leurs composants les objets connus les plus anciens du Système Solaire, appelés inclusions réfractaires ou CAI (acronyme anglais de Calcium and Aluminium-rich inclusions). Les CAI permettent de dater la formation du Système Solaire à 4568.2 millions d’années (Bouvier et Wadhwa 2010).

Adam_Thala_LL3

Exemple de  la chondrite Adam Thala (chondrite ordinaire, LL3.2), trouvée en Mauritanie en 2005 . Elle est constitué d’un agrégats de chondres (petites sphères silicatées, jusqu’à 1 cm de diamètre) et de nodules métalliques entourée d’une matrice à grains fins.

Les chondrites sont probablement les plus proches témoins des assemblages primitifs à partir desquels se sont formés et ont évolué la Terre et les autres corps différenciés du Système Solaire.

2. Classes et groupes de chondrites

Les chondrites ont été divisées en 3 grandes classes car elles possèdent de légères différences de concentrations des éléments non-volatils les plus abondants (Si, Mg, Al, Ca et Fe) autour de la composition solaire: les chondrites carbonées, les chondrites ordinaires et les chondrites à enstatite.

Des différences chimiques et isotopiques plus subtiles permettent de subdiviser les météorites de ces trois classes en groupes et grouplets.

2-1_chondrites-classif

Du point de vue isotopique, il existe peu de variation entre les objets du Système Solaire pour les éléments chimiques autres que l’oxygène, l’hydrogène, l’azote et le carbone.

L’oxygène est le troisième élément le plus abondant du Système Solaire (après l’hydrogène et l’hélium): c’est un composant majeur de nombreux minéraux (silicates, oxydes) ainsi que des gaz (CO, H2O, O2 principalement). Il possède trois isotopes stables (16O, 17O et 18O) en proportions différentes (99.76, 0.04 et 0.20% respectivement dans l’eau des Océans terrestres, généralement prise comme référence pour la Terre) qui peuvent être mesurés avec précision. La mesure des abondances relatives des trois isotopes de l’oxygène d’une chondrite est utilisée notamment pour lui attribuer un groupe. Chaque groupe ayant en effet une composition isotopique de l’oxygène particulière. Ces différences isotopiques sont également associées à des différences chimiques (abondance des éléments réfractaires et volatils, rapport Mg/Si…) et minéralogiques (abondance relative chondres/matrice, taille des chondres, abondance du métal…).

3Oplot_Clayton2003

Représentation schématiques des variations isotopiques de l’oxygène pour différents groupes de chondrites carbonées (CI, CM, CR, CV, CO, CK, CH, CB), chondrites ordinaires (H, L, LL)  et chondrites à enstatite (E). La droite TF représente la direction des fractionnements isotopiques chimiques terrestres. Les rapports isotopiques sont représentés en unités delta (les rapports isotopiques 17O/ 16O et 18O/16O sont représentés comme des écarts à la valeur isotopiques des océans terrestres en pour mille). Figure de Clayton, 2003.

Au final, la classification des chondrites est assez complexe, et se complexifie d’autant plus lorsqu’on veut tenir compte des chondrites non-groupées. Les différentes météorites différenciées ont, elles-aussi, des variations chimiques, isotopiques et minéralogiques. Le schéma ci-dessous, publié sur le site de la NASA dédié aux collections de météorites, résume bien cette complexité.

ClassificationMeteoriteNASA

 

Références utilisées:

  • R. Hutchison, 2007. A Petrologic, Chemical and Isotopic Synthesis. Livre publié Cambridge Planetary Science.
  • Bouvier & Wadhwa, 2010. The age of the Solar System redefined by the oldest Pb-Pb age of a meteoritic inclusion. Papier scientifique publié à Nature Geoscience, 3(9), 637-641.
  • Clayton, 2003. Oxygen Isotopes in Meteorites. Treatise on Geochemistry, 129-142.
  • Une partie du texte et des illustrations de cet article provient de mon manuscrit de thèse: L. Piani. Origin of volatile elements in the Solar System: organic matter and clays in chondrites.

Ouvrages en français sur les météorites:

  • Le livre « Météorites » écrit par M. Gounelle (MNHN) dans la collection Que sais-je? paru en 2009 aux éditions PUF. Ce livre contient une partie historique très intéressante sur les premières études et hypothèses de l’origine des météorites.
  • Cahiers de la revue « Le règne minéral » dédiés aux météorites et contenant de très belles photos de nombreux échantillons: LES MÉTÉORITES DIFFÉRENCIÉES (2012) et LES MÉTÉORITES PRIMITIVES (2013).
  • Le livre « Météorites. A la recherche de nos origines » écrit également par M. Gounelle (MNHN) présente de façon plus approfondie les météorites et ce qu’elles nous apprennent sur l’histoire du Système Solaire avec photographies et figures à l’appuie. Edition Flammarion (2013).
  • « Terre de météorites » de P.De Wever & E. Jacquet (MNHN) est un petit livre imagé de la collection Terre à portée de main qui donne une présentation générale des météorites et de leur étude.